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Résonance

Hartmut Rosa : Comment entrer en résonance ?

France Inter, Sous le soleil de Platon, mercredi 3 janvier 2024

 

Charles Pépin : « La première phrase de votre livre Résonance c’est "si le problème est l’accélération la résonance est peut-être la solution" et on voit bien que dans notre monde où tout s’accélère, notre monde dont Max Weber disait qu’il est "désenchanté", notre monde caractérisé parce que Marx appelait "l’aliénation", on a l’impression qu’on peut sortir de tous ces problèmes avec votre belle proposition existentielle de résonance.

Mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas de résonance si je ne laisse pas "traverser", c’est ç dire si la carapace de mon identité ne se laisse pas un peu fissurer, d’où ma question : est-ce qu’aujourd’hui dans un temps de crispation identitaire ce ne serait pas une belle solution que de laisser les choses résonner ? C’est-à-dire de laisser sa carapace identitaire se fissurer enfin un peu. »

Hartmut Rosa : « Oui, je pense que c’est tout à fait juste. La résonance ce n’est pas seulement l’harmonie, l’union ou l’identité, on pourrait parler de ça. C’est le sentiment qu’il y a quelque chose de différent au sens d’Adorno le philosophe allemand, c’est-à-dire justement ce qui n’est pas identique. Ce qui ne correspond pas tout à fait. J’adore citer Léonard Cohen le chanteur américain qui dit qu’il y a une faille en tout et c’est ça qui fait la lumière. C’est ce sentiment que quelque chose à l’extérieur nous appelle, qu’on ne comprend pas complètement. »



La résonance c’est vraiment une forme d’ouverture,

de prise de risque et de vulnérabilité.



Charles Pépin : « La métaphore est musicale […] : pour qu’il y ait résonance, il faut que quelqu’un m’adresse une question et que je lui réponde et que chacun sort de son espèce de confort identitaire pour entrer dans un monde commun. Et, dites-moi si je me trompe, mais j’aurais envie de dire : il faut que ça vibre en fait, il faut que ça vibre ensemble sans que nécessairement on comprenne tout, mais qu’il y ait une vibration commune. »

Hartmut Rosa : « Oui, je crois que c’est très important. Parfois les gens pensent que le contraire de la résonance c’est la dissonance, mais c’est totalement faux. Le contraire de la résonance c’est la consonnance. La résonance est exactement au milieu des deux. Il faut de la dissonance, de la même manière que pour la musique. Si vous avez une consonnance parfaite, c’est-à-dire un son unique, c’est très ennuyeux, ce n’est même plus de la musique. Nous faisons l’expérience de la musique que parce qu’il y a des tonalités différentes qui se superposent et qui sont parfois à l’opposé l’une de l’autre. Des distorsions de la guitare dans le rock par exemple. Et c’est ça qui vous donne la sensation musicale. Et pour moi, ce qui est important c’est de voir que la résonance est exactement ce qui fait le pont entre l’altérité et l’identité. Pour qu’il y ait résonance il faut qu’il y ait différence, altérité. Mais, c’est une occasion de toucher l’autre, mais seulement au prix de se transformer. Il faut accepter de changer son identité dans cette connexion temporaire à l’autre. »

Charles Pépin : « On pourrait peut-être dire "entre les deux", ce n’est pas que d’un côté : "j’ai changé durablement, complètement, jusqu’au bout" ni "je reviens à la case départ", mais simplement je me suis ouvert en moi à une dimension de moi que je ne savais pas avoir. On pourrait parler d’un agrandissement de l’intériorité sans que ce ne soit ni le retour à la case départ, ni le changement durable. »

Hartmut Rosa : « Oui je pense que ça a toujours a voir avec cet axe de la résonance personnelle, on découvre de nouvelles parties de soi, de nouveaux espaces, c’est presque comme "ouvrir" ces nouveaux espaces. »



Je pense que le grand danger qui menace notre rapport au monde,

c’est de vouloir fixer les choses.

Hartmut Rosa 



Charles Pépin : « Au cœur de votre vie agitée et accélérée vous pouvez trouver des caisses de résonance en étant attentif, en écoutant l’autre, en vous mettant en mode avion ou en étant attentif au regard de l’autre même une seconde. »

 


Il n’y a pas de frontière très nette entre moi et le monde.

 


Hartmut Rosa : « La résonance ça veut dire être en contact avec quelque chose qu’on ne contrôle pas, donc ça signifie abandonner une sorte d’autonomie. »

 


La résonnance c’est toujours une surprise.

 


Hartmut Rosa : « Pour moi la résonance a toujours une dimension transgressive. Cela signifie que ça va forcément au-delà de vos attentes. On pourrait parler de "quitter sa zone de confort" mais pas nécessairement de façon volontaire encore une fois, je suis très sceptique à l’idée d’agir pour "provoquer". C’est une rencontre pas forcément avec l’inattendu mais en tous cas avec une composante inattendue. Par exemple ça peut être une rencontre avec mon chat, mes enfants ou la personne que j’aime. Mais dans cette expérience il y a quelque chose qui se passe qui va au-delà des attentes que j’avais. Et c’est cette transgression dont je parlais. »




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