Corine Morel Darleux
- Manu

- il y a 3 jours
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Corine Morel Darleux, Alors nous irons trouver la beauté ailleurs, Libertaria, 2023
P.9-10 Je décidai alors de m’attacher sérieusement à résoudre la dissonance récurrente entre le bonheur que j’éprouve à être vivante et le sentiment d’accablement qui me saisis quand je regarde le monde, en contestant de devoir être l’une ou l’autre. Ni militante ni autrice, ni romantique ni révolutionnaire, ni austère ni kitsch, ni activiste ni individualiste, donc, si ce n’est tout cela à la fois : je refuse de choisir entre l’utile et le beau, entre le quotidien et l’exotique, entre l’inquiétude et l’émerveillement, entre l’écriture et le militantisme, entre la fiction et la réalité. Car c’est bien ce va-et-vient incessant entre s’extraire et revenir, cette gymnastique des confins, qui fait le sel de l’existence et permet de tenir par grand vents.
Il y a des confins qu’on ne peut toucher qu’en faisant un pas de côté.
P.12 Le « confin » intervient alors comme une anti-frontière qui soulignerait la proximité plutôt que la séparation. Il n’est pas tant le mur entre deux univers distincts que la matérialisation au contraire d’un passage, d’une passerelle, d’un espace intermédiaire.
Ces mondes que l’on imagine séparés coexistent souvent en réalité. Qu’il s’agisse du rural et de l’urbain, du sauvage et du civilisé, du terrestre et du moderne, de l’étrange et du familier, de l’humain et du non-humain, du futur et du passé, il n’existe jamais de ligne de démarcation claire. Tout se juxtapose horizontalement, se superpose verticalement, se recompose à chaque instant.
P.22 Qui peut se prétendre fiable quand l’inconscient, que l’on comprend toujours si peu, s’invite en permanence dans nos vies sans que nous puissions l’entendre ?
P.23 Le cerveau est tout sauf passif. Ce n’est ni un écran de projection ni un miroir mental. Il effectue en permanence – et souvent à notre insu – un filtrage attentionnel et perceptif. Le cerveau élimine même constamment des informations. Il y a ainsi des gestes que l’on effectue de manière si machinale que l’on ne les enregistre même plus. Qui se souviens d’avoir délibérément passé les vitesses en conduisant ? Et qui ne s’est jamais demandé s’il avait bien verrouillé la porte ou éteint la lumière ? Pour ces tâches répétitives, on agit dans une forme d’hypnose : on le fait sans y penser. À l’inverse, le cerveau fabrique aussi des informations de toutes pièces, allant jusqu’à modifier nos souvenirs et les rendre ambigus – au sens littéral de ce qui présente plusieurs sens possibles et dont l’interprétation est donc incertaine. C’est ainsi que les réalités de deux témoins, s’exprimant sincèrement au sujet d’un même évènement, peuvent toutes les deux être vraies tout en se contredisant.




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